De Praestigiis Daemonum de Jean Wier par Thierry Rousseau de Saint-Aignan

Le De Praestigiis Daemonum, a été écrit au XVIe Siècle, par le Médecin et Démonologue Jean Wier (Johann Weyer). Thierry Rousseau de Saint-Aignan vous en propose une nouvelle traduction

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TOME I

De Praestigiis Daemonum Premier Livre

Le terme de Magicien sera expliqué de façon générale, sans limiter sa notion aux normes strictes qui définissent pour moi, ce que sont les Sorcières. J’appelle Magicien, celui qui va à l’encontre des Lois de la Nature. Le Magicien, c’est l’homme qui, enseigné par le Diable, par un de ses semblables, ou par la science des Livres, essaie d’appeler de façon interdite les Esprits Malins. Avec leurs aides, il cherche à tromper de la plus funeste des façons, afin d’assurer la réussite de ses affaires ou de celles dont il a la charge. Le Magicien utilise l’Incantation, par la récitation de mots étrangers, connus ou secrets. Il utilise des Caractères , des Exortations, il organise des Cérémonies Maudites et Blasphématoires, usant de la célébration et de l’adjonction de divers éléments lui convenant par leurs effets magiques notoires. Tout cela dans le but de faire apparaître des Démons sous des formes empruntées et visibles, qui, par la parole, le murmure, par geste, par écrit ou représentation, répondront aux questions du Magicien.

Je regroupe dans la définition de Magicien, toutes les distinctions faites par les Hébreux, les Grecs et les Latins, sur ces hommes qui devinent le futur et qui par superstition, utilisent des moyens illicites et défendus. Je rassemble dans ce mot de Magicien, tous ceux qui se fiant aux Pronostications et Divinations, parce qu’ils s’accordent à l’utilisation des procédés des Magiciens, acceptent ces procédés. En faisant cela, ils méprisent Dieu et oeuvrent ainsi pour la cause du Diable en s’associant aux Arts magiques, en y recherchant conseils, puissances et pouvoirs. 

Les Grecs nomment parfois ainsi (mais ce n’est pas une généralité) γοητε?α Goétie ou ?π?δ?ς Epode, les Magiciens qui modifient l’ordre habituel de la Nature, lorsqu’il invoque des Esprits Aeriens, lorsqu’ils invoquent les Morts, lorsqu’ils devinent les choses cachées qui ne peuvent être vues et sont d’origine extraordinaire : En d’autres termes, lorsque ces Magiciens font des Miracles, c’est-à-dire des choses qui dépassent l’ordre normal de la Nature. 

Lactance écrit, que la puissance des Magiciens dépend de l’Art d’invocation des Démons. Ceux-ci, par le pouvoir de la persuasion, aveuglent les hommes, et les amènent à voir, non pas les choses qu’ils font, mais celles qu’ils inventent à voir. Tel, Simon le Magicien, qui troubla la vue de Saint Clément et de ses frères, en faisant croire qu’il s’était incarné dans le Père Faustinien. Toutefois, notons qu’il n’arriva pas à tromper Saint-Pierre. En latin, on nomme cette tromperie Incantare « Enchanter », fascinare « Fasciner » ou effascinare « ensorceller ». Les Grecs utilisent dans leur langue, γοητε?ω, ?π?δ?ς, ?β?σκανεν. Saint-Paul utilise ?β?σκανεν dans son Epître aux Galates : O’ Galates insensés, qui vous a enchantés (τ?ς ?μ?ς ?β?σκανεν) et vous a si bien bandés les yeux par sa tromperie, pour que vous ne croyiez pas la vérité ?  C’est l’expression de l’illusion, par laquelle on ne voit pas celui qui vous éloigne de la vérité. Saint-Paul par cet Epître, montre qu’il a clairement eu l’expérience de ceux dont la vision avait été brouillée par de tels procédés. Cette tromperie vous fait entendre, non pas ce qui est, mais ce que l’on désire vous faire voir, tellement l’illusion trompe la vue. On peut appeler cette imposture, Fascination, Sorcellerie ou Charmes et Magies perses, Magie Infâme, Art Magique, pratiques maudites du fait de leurs rapports étroits avec les forces des Esprits Malins. 

On nomme également cette pratique ?π?δ?ς Epode, en Grec, et Epaoides ceux qui en jouent, ce qui signifie Enchanteresses. La plus célèbre appellation pour cette Infâme pratique, reste γοητε?α la Goetique, qui consiste en Enchantements et Charmes Magiques et qui est un Art qui nécessite une bien malheureuse curiosité. Les Grecs l’appellent également et avec plus d’exactitude, θεουργ?α Theurgie, bien que cette notion englobe des distinctions légèrement différentes. Par exemple, pour les Grecs, ceux qui utilisent la Goetique, méritent d’être condamnés, comme toute personne qui abuse d’un Art illicite, alors qu’au contraire, les adeptes de l’Epode restent louables pour eux. Ces deux Arts participent toutefois, à l’adoration des Diables, c’est-à-dire à l’adoration de faux Dieux, qui s’approprient pourtant le nom des Anges. 

Porphyre propose de soigner l’âme, au moyen de la Theurgie. Mais il conçoit, en niant sans courage et sans penser qu’il se ridiculise, que cet Art n’a aucun rapport avec les divinités. Porphyre pense qu’en utilisant les cérémonies Theurgiques, appelées Teletes, on peut devenir un réceptacle, ce qui permet de recevoir en nous les Esprits et les Anges, afin de contacter les Dieux. Avec certitude, ce ne sont pas les Dieux, mais les Diables que l’on rencontre. C’est pour cela que Saint Augustin condamne cette pratique. 

Certains Grecs prétendent que cette Magie a pour objet l’invocation de bons Esprits et donc, d’agir pour une cause bonne. C’est ce qu’Apollonios de Tyane montre, à partir de ses prédictions qui donnaient à la Goetie, le pouvoir de réveiller les Morts. C’est pour cette raison, que ceux qui assistent obscurément aux Cérémonies Funèbres, pour en tirer les bienfaits des Esprits Malins, disent que le mot Goetie découle d’un mot grec π?νθος qui veut dire « Deuil ». Pour cette raison, les tombeaux doivent être arrosés d’eau sanctifiée pour les nettoyer et doivent être illuminés du feu des torches, afin que nul d’entre eux, ne deviennent la demeure des Démons et qu’ils ne les souillent. Les Lois et Edits, condamnent cet Art et le rejettent. On se souvient que le Roi Manasses, qui était Magicien, et qui suivait les conseils d’une prêtresse Pythonne, en subit la colère de Dieu.

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TOME II

De Praestigiis Daemonum Deuxième Livre

Les Diables font parfois mourir ceux qui leurs sont dévoués, lot habituel de ceux qui ne cessent de les suivre. Ils peuvent également par l’ambiguïté de leurs fausses promesses, les pousser liés et ligotés dans les bras des juges, dans lesquels ils sont bien évidemment torturés avant d’être mis à mort. Encore, ils peuvent les emporter, après les avoir fait mourir dans de tragiques et terribles supplices. Voilà comment les forces des ténèbres remercient leurs sujets. 

Abdias , l’Evêque de Babylone, au livre VI Du Combat des Apôtres, démontre qu’au même instant que les Saints Simon et Jude étaient martyrisés, les Magiciens Zaroès et Aphaxat, qui trompaient alors les habitants des cités de Perse, furent consumés par la foudre. Nous pouvons lire également, qu’à la prière de Saint-Jean l’Evangéliste, Cynope prince des Magiciens, fut englouti dans un fleuve. Lucius Pison, écrit au 1er Livre des Annales, que le Roi Tullus Hostilius, fut frappé par la foudre, bien qu’il ait fait les sacrifices nécessaires compris dans les Livres de Numa. Il espérait faire sortir Jupiter de son Ciel en l’invoquant, mais il échoua, car il n’avait pas assez de piété pour accomplir correctement son invocation. Olaus Le Grand, écrit au Chapitre 4 du Livre III des Peuples Septentrionaux, que le bien piètre Magicien Methothim, imbu de sa personne, se donnait pour opinion de lui-même, d’être quelqu’un aux pouvoirs presque divins. Il avait séduit par cette imposture, les pauvres ignorants. Ceux-ci étaient contraints de lui servir des offrandes. Se considérant comme le souverain pontife des Dieux, il ordonnait des sacrifices et des cérémonies, qu’il faisait donner à chacune des divinités, mais séparément. Il pensait en effet, que si les offrandes étaient regroupées, les Dieux pouvaient en être courroucés. Les offrandes ne pouvaient donc être faites en de communs sacrifices et en de communes cérémonies. Lorsque les exactions de Methothim furent découvertes, le peuple le mit à mort. Sa charogne, qui empestait tant qu’elle souilla plusieurs personnes, fut exhumée et son corps empalé au bout d’un pic, comme juste récompense. 

Le même auteur rapporte au 18e chapitre du même Livre, qu’entre autres les divinités adorées par les peuples septentrionaux, il y avait un Magicien nommé Holler. Celui-ci s’attribuait un rôle divin et s’associait les services qui l’accompagnaient. Le peuple le suivait, moins par tromperie que pas superstition. Se considérant comme un des Dieux, il avait usurpé la même autorité qu’Odin. Excellant dans les armes, comme dans la Sorcellerie, il n’utilisait pas de navire pour traverser les mers, mais un Os marqué de quelques symboles magiques, avec lequel il évitait les embûches des flots, comme s’il voyageait avec des voiles gonflées par le vent. Dans son drame, ceux qui l’enviaient l’assassinèrent, montrant qu’il n’avait rien d’un Dieu immortel. Olaus Le Grand écrit aussi, que le grand pirate nommé Oddo et qui écumait les mers du Danemark, voyageait sur les flots sans aucun navire. Il arrivait à faire périr les hommes et faire sombrer les embarcations ennemies, à l’aide des vagues qu’il créait par ses enchantements Magiques. Toutefois, surpris par un ennemi plus expérimenté, il sombra dans un gouffre marin, lui, qui autrefois marchait sur les eaux en usant de ses charmes et autres enchantements. 

Jean François Pic donne les témoignages de personnes avec qui il aurait discuté. Elles reconnaissaient s’être trompées dans leur vaine recherche pour connaître l’avenir. Elles étaient depuis, tourmentées par la présence du Diable, qu’elles avaient invoqué dans ce but pour pactiser avec lui. Elles devaient s’estimer bien heureuses toutefois, de ne pas avoir perdu la vie. Des compagnons complices d’un Magicien, racontèrent également à Jean François Pic, que leur Maître avait été emporté encore vivant par un Diable, il y avait de cela cinquante ans. Personne ne revit le Magicien. Celui-ci avait promis à un Prince, somme toute trop curieux et peu sage, de lui faire revivre comme au théâtre, le siège de Troie et le combat d’Achille et Hector. Nous lisons également, que le Bailli de Macon qui était Magicien, fut emporté par les Diables à l’heure de son Dîner. Ils lui firent faire trois tours de la ville de Macon, devant sa population. Par trois fois on l’entendit dire : Aidez-moi villageois, aidez-moi ! La foule en resta médusée et lui, demeura en compagnie des Diables. C’est ainsi qu’Hugues de Cluny nous en parle. 

En l’an 1530, le Diable montra à un prêtre au travers d’un Crystal, quelques trésors cachés en la ville de Noriberg. Alors, que le prêtre les cherchait dans une grotte proche de la cité, accompagné par un ami comme témoin, il vit un coffre au fond d’une caverne. Auprès de celui-ci, il y avait un chien noir qui était couché. Dès que le prêtre fut entré dans la grotte, il fut avalé et englouti par la terre, et la caverne s’écroula sur elle-même. Un enchanteur à Salzbourg, se vantait de pouvoir regrouper et ainsi détruire dans une même fosse, tous les serpents du pays. Ce qu’ayant crié haut et fort, un vieux et grand serpent se présenta devant lui. Comme il l’avait dit, il essaya de faire entrer par ses charmes, le serpent dans la fosse. Mais, le serpent se redressa et agrippa l’enchanteur à la ceinture. Le serpent le fit tomber dans la fosse et le tua. 

Voilà, à quoi s’attendre avec cette magie. Voilà, les fruits récoltés par cette fausse amitié. Voilà, le rendu des mauvaises choses, des anneaux, des fers et des prisons secrètes qu’apportent ces folles et pernicieuses tromperies. C’est pour cela, que Pierre Lombard dit fort bien : Les Arts Magiques sont exercés par la science et les pouvoirs des Diables. 

Toutefois, Dieu laisse et ce pouvoir et cette sapience, pour tromper les imposteurs comme ceux d’Egypte, et ainsi blesser les fidèles qui ne peuvent supporter ces choses. Cette science est également donnée aux Magiciens, afin que les esprits diaboliques les aident à tromper ceux qui les condamnent. Les Magiciens ont pour objectif, de tenter et d’éprouver les Justes. Mais il faut savoir, que la matière qui comprend les choses visibles, n’est pas au pouvoir des Diables, mais dans les mains de Dieu, par lequel cette puissance obéit.

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Pseudomonarchia Daemonum

Quoi de plus propre à percer la raison d’être du Pseudomonarchia Dæmonum, qu’une Histoire de l’humanité conduite par les Anges ou les Démons. C’est ce que nous propose notamment Jean Trithème, lorsqu’il écrit en 1508, son De septem secundeis id est Intelligentiis sive spiritibus orbes post deum moventibus libellus, sive chronologia mystica, c’est-à-dire, son Traité des causes secondes ou Intelligences régissant le monde après Dieu. Cet abbé allemand du XVIe Siècle, y soumet l’idée que l’évolution humaine historique, ne s’attache pas seulement à une progression naturelle des capacités de l’homme, mais bien à un temps de gouvernance angélique. Le développement de l’humanité y est ainsi réglé par des Intelligences Supérieures, dont le règne travaille des finalités qui ne regardent que Dieu.

A la Renaissance, les Docteurs de l’Eglise et les Théologiens croient que l’organisation des sociétés humaines ne reflète qu’une pâle image de l’organisation divine. Les castes, les guildes, les clans, les groupes, les autorités civiles et militaires institués par les hommes, ne sont donc en réalité que la synthèse imparfaite des organisations mises en place au Royaume de Dieu. Et puisque sur Terre, il est possible de rencontrer et de parler aux Seigneurs, aux Juges et aux Rois du monde, l’homme peut également communiquer avec les Seigneurs, les Juges et les Rois du Paradis et des Enfers. Au travers de ce schéma, se dessinent ainsi deux conceptions hiérarchiques. La première est reconnue, c’est celle de l’Eglise Catholique comprise comme le seul chemin véritable permettant de proclamer la grandeur de Dieu, via des liens directs, des rituels. La deuxième regroupe les expressions religieuses et spirituelles extérieures au Culte Catholique, dans lesquelles sont rassemblées les autres croyances, les hérésies et bien évidemment, les Cultes regardés comme païens, sataniques ou lucifériens. 

Deux problématiques se présentent alors. Qui sont ces Seigneurs, ces Juges et ces Rois du Paradis et des Enfers ? Il faut en effet, pour pouvoir les invoquer, les définir nominativement bien sûr, mais plus encore, trouver leur place dans l’organisation divine. Gardons à l’esprit, que pour l’Eglise de Rome, le Paradis et l’Enfer obéissent tous deux à un seul maître, Dieu, Jésus-Christ étant suivant les Evangiles, le gardien des Morts. Parallèlement, il est nécessaire de trouver le moyen d’invoquer les Intelligences Supérieures ainsi définies, de leur faire connaître les desseins recherchés, aux travers de mots, de caractères et de Pentacles.

L’Histoire humaine est particulièrement riche en ces matières, depuis les pictogrammes assyriens, jusqu’aux hiéroglyphes égyptiens. Il n’est cependant pas possible de communiquer avec ces entités, sans se référer à des sources certaines, reconnues comme fiables. Les écrits antiques détaillent assez merveilleusement bien, les effets et les procédés utilisés par les Devins ou les Sorcières, pour contacter les Mânes des Enfers. La Sorcière de Thessalie, Médée, ne sont que des exemples parmi tant d’autres. Il est alors facile, de trouver dans la lecture des œuvres antiques, les connaissances nécessaires pour découvrir les pouvoirs de la Magie, les recettes, les heures, les effets. Les écrits de Tibulle, en sont un exemple :

« Je l'ai vue faire descendre les astres du ciel ; elle détourne par ses enchantements le cours d'un fleuve rapide ; elle entrouvre le sol par son chant, fait sortir les mânes des sépulcres, tomber les os du bûcher tiède. Tantôt, elle retient d'un sifflement magique les cohortes infernales ; tantôt, d'une aspersion de lait, les fait battre en retraite. A son gré, elle dissipe les nuées d'un ciel lugubre ; à son gré, elle fait tomber la neige dans un ciel d'été. Seule, dit-on, elle possède les herbes maléfiques de Médée ; seule, elle dompte les chiens farouches d'Hécate. Elle a composé pour moi des chants à l'aide desquels tu pourras tromper ; chante-les trois fois, et, les chants débités, crache trois fois ; il ne pourra rien croire de ce qu'on lui dirait de nous, il n'en croira même pas ses yeux, s'il me voyait lui-même dans ton lit voluptueux. Mais refuse à d'autres tes faveurs : il verra tout ; je serai le seul avec lequel il ne s'apercevra de rien. »

Il est aisé d’avoir accès aux connaissances sur les rituels secrets des Mages et des Prêtres Antiques, qui se servaient des Mystères pour leurs Initiations. Il est cependant plus difficile de se rapprocher et de se faire reconnaître de ces Dieux étrangers, que tous reconnaissent comme des divinités païennes, voire, hiératiques et démoniaques. Plutarque, dans son Traité d’Isis et Osiris, emprunte ainsi une pensée religieuse si particulière aux anciens cultes, qu’elle apporte certaines réponses à la raison d’être d’un rituel dérobé à des Dieux qui ne sont pas les siens :

« C'est un devoir pour les hommes sensés, illustre Cléa, de demander aux dieux tous les biens ; mais celui que nous devons surtout désirer d'obtenir d'eux, c'est de les connaître autant que l'homme en est capable. Le plus beau présent que Dieu puisse nous faire, c'est la connaissance de la vérité. Dieu abandonne aux hommes tous les autres biens, qui lui sont comme étrangers, et dont il ne fait aucun usage. En effet, ce n'est pas l'or et l'argent qui rendent la Divinité heureuse ; ce n'est pas le tonnerre et la foudre qui font sa force, mais la prudence et le savoir. »

Cependant, l’Occident Chrétien du XVIe Siècle, bien qu’acceptant les pensées païennes et profanes contenues dans certains écrits antiques, refuse que ces idées soient appliquées et reconnues comme des vérités, au sens religieux du terme. Le Dieu dans lequel il faut croire, est unique. Son fils Jésus-Christ, mort sur la Croix, est une projection de lui-même et non un demi-dieu, ou un autre Dieu. Problématique sans doute difficile à comprendre pour ceux qui à la messe, entendaient la Litanie des Saints et à qui l’Eglise interdisait l’Idolâtrie. La Chrétienté, reprenant le dogme Egyptien du Dieu unique d’Aton dérobé par les Hébreux, devait malgré la multitude des Anges et des Veilleurs qui surveillaient les hommes, rester un monothéisme. Car paradoxalement, l’Eglise reconnaissait l’existence d’Intelligences autres que celle de Dieu. Elle priait des Ministres qui servaient ce Dieu unique, en concevant l’existence d’Anges et de Démons. En effet, dans le monde humain, comme dans celui de Dieu, rien ne peut se réaliser sans l’approbation du Créateur, et même le Diable ou Satan, doit répondre devant son autorité. Les Livres Saints des Ecritures sont là, pour le rappeler aux fidèles et aux hérétiques. Satan, ne demanda-t-il pas la permission à Dieu avant de torturer Job ?

« Les fils de Dieu vinrent un jour se présenter devant l’Eternel, et Satan vint aussi au milieu d'eux se présenter devant l’Eternel. L’Eternel dit à Satan : D'où viens-tu ? Et Satan répondit à l'Eternel : De parcourir la terre et de m'y promener. L’Eternel dit à Satan : As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n'y a personne comme lui sur la terre ; c'est un homme intègre et droit, craignant Dieu, et se détournant du mal. Il demeure ferme dans son intégrité, et tu m'excites à le perdre sans motif. Et Satan répondit à l'Eternel : Peau pour peau ! Tout ce que possède un homme, il le donne pour sa vie. Mais étends ta main, touche à ses os et à sa chair, et je suis sûr qu'il te maudit en face. L'Eternel dit à Satan : Voici, je te le livre : seulement, épargne sa vie. »

Ainsi, les Livres des Ecritures sont non seulement reconnus, mais gardent en eux les véritables secrets et les Mystères de Dieu. C’est en eux, et tout particulièrement dans le nom des Saints et des Grands Hommes de Dieu, les prophètes, que les hommes vont chercher les codes propres à communiquer avec les entités divines et à les invoquer, en dehors des prières. C’est ce que va tenter d’expliquer Cornélius Agrippa, en définissant dans son De Occulta Philosophia, les alchimies physiques et spirituelles nécessaires pour apprendre les Secrets de la Création :

« Nous savons qu’il existe trois mondes différents dans la Magie : le monde Elémentaire, le monde Céleste, et le monde des Intelligences. Hiérarchisés suivant leur importance, ces mondes sont inférieurs les uns aux autres, tout comme ils s’organisent sous l’autorité et l’influence d’un monde qui leur est supérieur. Cette disposition est l’archétype même de l’organisation mise en place par notre Souverain Créateur. Par ses constructions, Il nous communique les vertus de sa toute-puissance au travers des Anges, des Cieux, des Etoiles, des Eléments, des Animaux, des Plantes, des Métaux et des Pierres. C’est Lui qui a fait et créé toutes ces matières, pour que nous les utilisions. Ce n’est donc pas sans raison que les Magiciens pensent que nous pouvons pénétrer naturellement le monde supérieur, dans lequel se trouve la source de la construction de toute chose, en empruntant les différents degrés de création qui sont propres à chacun des trois mondes inférieurs. Le monde supérieur est en effet la Cause Première dont dépendent et proviennent toutes les matières. Les magiciens dans leur recherche, veulent aboutir à la jouissance non seulement des vertus que les choses les plus nobles possèdent, mais arriver également à s’en attirer de nouvelles. C’est dans cet objectif, qu’ils cherchent par la Médecine et la Philosophie Naturelle, la découverte des vertus du monde Elémentaire. Ils tentent dans ce cadre, de trouver les différents mélanges qui produisent naturellement les choses. Ils se lancent ensuite à la découverte des vertus du Monde Céleste, en recherchant les rayonnements et les influences que porte ce monde, suivant les règles et les disciplines des Astrologues et des Mathématiciens. Enfin, ils fortifient et consolident tous leurs acquis sur ces matières, en utilisant non seulement de Saintes Cérémonies issues des Religions, mais également, en s’appuyant sur le concours de Puissances Supérieures que contrôlent diverses Intelligences. »