De Praestigiis Daemonum Livre I

Le premier Livre du De Praestigiis Daemonum, reprend l’exégèse et la genèse des Diables et Démons dans l'Histoire des Religions Humaines

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De praestigiis daemonum thierry rousseau de saint aignan TOME I

De Praestigiis Daemonum

Lorsque l’on étudie et que l’on s’interroge sur les manigances des Magiciens, il n’est pas possible de ne pas mettre en avant les témoignages écrits que nous apportent les Saintes Ecritures. Ces témoignages, comme des preuves, nous confirment que ces hommes y sont dénombrés sous le terme de Sorciers, Magiciens, Enchanteurs, Empoisonneurs, ou bien encore Invocateurs et Imposteurs. Notons toutefois, que leurs présences dans les Saintes Ecritures, sont traduites principalement sous la dénomination généraliste de Sorcier. Les actions de ces Etres malfaisants, leurs pratiques, leurs impostures, leurs divinations interdites, ont été largement exposées par les Rabbins et les interprètes hébreux. Les Anciens Romains, les ont également traduits sous divers noms. Je note cependant, que les traducteurs grecs diffèrent parfois leurs écrits de ceux des Hébreux et Latins. Mais en général, si vous étudiez à partir des textes hébreux, les traductions grecques et latines, vous retrouverez souvent à l’identique les opinions des Rabbins quant à ces monstres, sous Exode 7, 9 et 22 ; Lévitique 19, 20 ; Deutéronome 18 ; Jérémie 27 ; Daniel 2 ; 4e Livre des Rois 21 ; 2e Paralipomenon 33.

Je tire les divergences et les accordances entre les différentes traductions, du juriste et grand linguiste, le Sieur Andreas Masius. Celui-ci m’a enseigné afin que je comprenne mieux, les sept mots en hébreux liés à la Magie et que nous retrouvons dans les trois traductions de la Bible.

Le premier de ces mots est כשת, c’est-à-dire Chasaph. Dans les Bibles vulgaires, ce mot désigne la Sorcellerie utilisée par les hommes abusés par les Diables, lorsqu’ils utilisent cette même sorcellerie dans le but de nuire efficacement au bétail, aux semailles et aux hommes. Par leurs exactions, ces monstres sont nommés « Malfaisants » ou bien tous simplement Sorciers. La Loi de Moïse, en Exode 22, ordonne pourtant leur mort pour ce crime, par cette sentence dont l’objet est féminin : Tu ne laisseras pas vivre « la Sorcière ». Les termes réels utilisés dans ce verset, sont מְכַשֵּׁפָה לֹא תְחַיֶּה, c’est-à-dire Mechassepha qui est le féminin de Chasaph. Bien évidemment, les hommes ne sont pas exclus de cette sentence pour ce genre de crime, mais on peut considérer que la femme en raison de sa nature simpliste, tombe plus facilement dans les embûches du Diable. Les Grecs ont regroupé dans leur traduction de la Septante, les deux genres, Féminin et Masculin : Ainsi, Tu ne laisseras pas ceux qui ensorcellent en vie. Je vous fais remarquer que le mot Chasaph et tous ceux qui en découlent, sont systématiquement traduits par Sorcellerie par les Grecs, qui donne à ce nom la définition générique de « médicaments » et « de soins ». Car, ils avaient l’habitude de considérer, que les Sorciers n’exposent par leurs Arts et leurs savoirs, sans connaissance de cette Science comparée à une véritable Médecine.

Mais laissons les auteurs grecs et latins, pour l’autorité reconnue d’un grand écrivain hébreu nommé Aben-Ezra. Pour lui, le mot  כשת c’est à dire Chasaph, signifie « imposture », « tromperie », c’est-à-dire ce qui fait avoir une représentation fausse et tronquée des choses. Gardons cependant, que les autres interprétations de ce mot, ne peuvent pas être condamnée en regard des exemples que nous donnent les Saintes Ecritures, comme celle de Daniel au chapitre 2, dans lequel il est dit que Nabuchodonosor fait appelle pour interpréter son songe, à des « Devins », mais également à des וְלַמְכַשְּׁפִים Meschassephim. Si nous interprétons ce mot avec la traduction d’Aben-ezra, par « Imposteurs », on ne peut pas comprendre quel profit ces Devins auraient pu apporter en usant de leur art, hormis celui de l’erreur et de la tromperie. Pour cette raison, le fils de Gerson, c’est-à-dire Levi, ce grand philosophe hébreu qui interpréta ce passage, donne au mot Meschassephim le sens de « ceux qui lisent dans les astres », qui interrogent les Esprits du Ciel en les appelant au moyen de caractères particuliers gravés à certaines heures et suivant la course des planètes. Ayant « levé » les astres, ils les implorent de faire aux hommes, le bien ou le mal, ou pour d’autres choses encore, comme de répondre aux présages et de faire apparaître les choses cachées. Pour ma part, je considère que ce mot englobe toutes les Magies, ce qui est également l’opinion des Hébreux.

Le deuxième mot est לָכֶם Kasam. Selon les auteurs hébreux, Kasam appartient aux Arts divinatoires. Pour cette raison, dans la Bible grecque, il est traduit par « pronostique », tel que dans Deutéronome 18, Jérémie 27 etc. Dans les Bibles Latines (c’est-à-dire la Vulgate), Kasam est remplacé par « deviner », suivant les références aux Saintes Ecritures déjà citées.

Le troisième mot est עָלָיו Onen, que nous retrouvons sous la forme de « Songe » dans les Bibles Latines, comme au Deutéronome 18 et au 2e Livre du Paralipomedon 33. On ne le retrouve pas sous cette forme en Jérémie 27, mais sous celle d’ « Augurer ». Dans le Livre de Michée 5, Onen est remplacé par « Deviner ». Dans la Bible Grecque, Onen n’est pas traduit par « Augurer » comme dans Jérémie 27, mais par le mot qui signifie « Divination », c’est-à-dire « Rendre des Oracles », comme dans Michée 5. Les anciens Hébreux donnent Onen comme un mot appartenant au vocabulaire des hommes qui observaient les présages par superstition, en regardant le temps et en traduisant les bons et les mauvais moments pour traiter une affaire.

Nahash, le quatrième mot, se trouve en Deutéronome 18 et au 2e Livre du Paralipomenon 33. Les Latins, le traduisent par « observation des Augures » et les Grecs par « Augurer », mot employé très souvent dans leur Bible. Les Hébreux expliquent que ce mot appartient au vocabulaire des conjectures, c’est-à-dire aux choses qui advenant fortuitement sont pourtant traduites curieusement et de manière folle, pour deviner le présent et le futur. Par exemple, les oiseaux qui volent vers la droite ou tournoient, croiser le chemin de certains animaux, les signes de la main ou des bras, par la résonnance, par une chute, par un éternuement, les pleurs, le chant, le mouvement d’un tamis. Autant dire, par mille et une superstitions que nous avons l’habitude de reconnaître propre aux femmelettes.

Le cinquième mot est הֹבְרֵי Habar [haw-bar'], qui en Latin donne « Enchanter ». Les Grecs l’on traduit par un mot à eux. Les Hébreux utilisent ce mot pour signifier le murmure des Magiciens lorsqu’ils parlent secrètement. Pour eux, ces paroles chuchotées sont extrêmement efficaces. Virgile parle de ces enchantements, dans ses vers :

Le froid serpent par les enchantements crève dans les prés (Frigidus in pratis cantando rumpitur anguis)

J’ai vu de ces Magiciens qui par l’enchantement de leur parole,  arrivaient à stopper des bêtes, les obligeant à attendre les coups là où elles s’étaient arrêtées. Ils arrivaient à maintenir à l’endroit décidé, un rat, animal domestique méchant, d’un simple regard. Le rat devenait calme et pouvait être capturé à la main, et étranglé. De même, David, au Psaume 57, ou selon le Iuxta hebraeos codis 58, nous rapporte son étonnement que de tels miracles puissent être réalisés par enchantements. David utilise le mot hébreu הֹבְרֵ Habar et  Lahas, pour exprimer la même idée.

Le sixième mot est אוֹב Ob. En latin ce mot est traduit par « Python » ou « esprit Python », suivant Deutéronome 18, Esaïe 19, 1er Livre Des Rois 28, 4e Livre Des Rois 23 et dans d’autres endroits des Saintes Ecritures. Ob est également incorrectement traduit par « Magicien » dans le 2e Livre Paralipomedon 33. Les Grecs préfèrent traduire ce mot par « Parle du ventre », hormis au 4e Livre Des Rois 21 et 23, dans lesquels Ob est traduit par « Devin », ce qui ne se retrouve pas dans d’autres endroits. Ob en hébreu, peut signifier « vessie » ou encore, « amphore ». C’est pour cette raison que les Hébreux utilisent Oboth, le pluriel de Ob, pour les Diables, qui, interrogés par le biais de paroles occultes, répondent à partir des parties du corps que l’on cache, comme les aisselles et les parties honteuses des femmes. Leurs réponses sonnent comme si elles venaient de l’intérieur d’une vessie ou d’une petite bouteille. Les Grecs, ont donc assurément bien nommés ces Diables, par le nom de « Parle du Ventre », puisqu’ils communiquent comme enfermés dans le ventre des hommes. Certains Latins ont suivi cette traduction, nommant les Diables « ventriloques ». Cette définition est donc correctement attribuée aux mauvais Esprits, mais également aux hommes qui sont possédés. Aristophane écrit dans sa comédie Les Guèpes, qu’Euryclès, un Devin, fut célèbre à Athènes, grâce à un de ces Diables. Aristophane disait de lui-même qu’il : avait beaucoup profité à la république des Athéniens, par le biais de ses comédies qu’il faisait jouer par le derrière [par les fesses], son génie étant entré dans le ventre des autres poètes, comme l’avait fait l’Oracle d’Euryclès. Par le témoignage de Grecs reconnus, les devins furent alors nommés Eurycliens et « Parle-ventres ».

Je crois me souvenir que le célèbre Oracle Delphique avait l’habitude de rendre ces pronostications par la prêtresse Pythienne qui écartait les cuisses en s’essayant sur un trépied, afin de recevoir le Diable en son fondement. Saint Augustin écrit, au traité De la Doctrine Chrétienne, que cette Pythie dont les Actes des Apôtres font mention au chapitre 16, était ventriloque. Tertullien qui était d’une grande autorité prétend dans ses écrits avoir rencontré des femmes qui étaient ventriloques. Assises, elles parlaient par les parties honteuses, qui répondaient à ceux qui venaient les questionner. Lucius Cælius, soutient qu’il a vu de nombreuses fois, une femme rendre de la même manière des oracles dans la ville de Rhodes en Italie. Il a entendu plusieurs fois, un Esprit Malin parler par les parties honteuses de cette femme. Sa parole était fort libre, audible et contait avec merveille les choses passées, présentes et parfois futures, mais avec assurance, ces choses étaient bien souvent fausses et mensongères. Mais arrêtons ici cette explication.

Le dernier mot est Iidoni, qui selon moi, vient du verbe hébreu יֹדֵעַ Yada’ [yaw-dah'] (Iada), qui veut dire « Savoir » ou « Connaître ». Je sais avec quelle stupidité les Hébreux parlent d’un animal issu de la terre, dont la tête est humaine et qu’ils appellent Iadua. Je connais également la légende sur l’os que leurs devins Iidovim utilisent pour connaître le futur. Cette nation est quelque peu stupide et croit facilement aux histoires que l’on réserve aux bonnes femmes. Ce mot Iidoni, est devenu « Divin » chez les Latins, suivant Deutéronome 18, Lévitique 20 et ailleurs.

Bibliographie du De Praestigiis Daemonum