Introduction au Pseudomonarchia Daemonum

Introduction au Pseudomonarchia Daemonum de Jean Wier

Pseudomonarchia daemonum traduction francaise jean wier et thierry rousseau de saint aignan

Nous devons nous rappeler que la dénomination de Démon, ne désigne pas premièrement, une entité maléfique. Le mot Démon, vient du grec δα?μων, qui définit la notion de Savant et par extension celle de connaissance et de savoir. Les deux plus anciennes civilisations humaines, l’Egyptienne et la Sumérienne, dénotaient une définition bien particulière et différente à ce terme, et donnaient à son sens, celui de messager, que les Grecs reprendront sous la forme ?γγελος, c’est-à-dire Ange.

Les Egyptiens avaient un profond respect pour ce qu’ils nommaient Démons, qu’ils entendaient comme des Etres vivants entre le Monde des Dieux et celui des hommes. Ils les invoquaient pour connaître le passé, le présent et l’avenir, car ils considéraient que ces êtres étaient en mesure, de par leur position entre deux mondes, de connaître les destinées. Les Démons pour les Egyptiens avaient une caractéristique religieuse, qui s’attachait bien évidemment à leur culture et à leurs croyances. Ils étaient ceux qui habitant le royaume des morts, suivaient les âmes et les combattaient. Les victoires que l’âme assurait en défaisant ces êtres, lui permettaient d’avancer dans les méandres des enfers. Elle avançait ainsi sur le chemin qui l’amenait devant ses juges. L’existence propre de ces Démons, imposait suivant la cosmologie Egyptienne, l’appréciation d’une neutralité morale, malgré une loyauté sans faille exercée envers le Dieu particulier qu’ils servaient et qui bien souvent, était représenté par une seule divinité, Anubis.

Dans les mystères des Prêtres Egyptiens, selon le Crata Repoa, celui qui voulait être initié, devait passer par autant d’épreuves que de grades. L’initié, futur Néocoris, était ainsi obligé d’affirmer qu’il s’était toujours conduit avec sagesse et chasteté. Bien évidemment, personne ne peut être sans tache. Celui-ci, dans son affirmation, avait forcément menti. L’Hiérophante courait alors vers lui, avec dans les mains un serpent vivant qu’il lui jetait sur le corps, avant de le retirer par le bas du tablier pour ne pas se faire mordre. Le Serpent était une des plus anciennes et principales divinités. Ces animaux étaient considérés comme de bons Démons. Et si le bon Démon jeté sur le futur Néocoris, ne l’avait pas mordu en raison de ses fautes, c’est que celles-ci méritaient, si ce n’est le pardon, du moins qu’on les oublie.

Lorsque l’Egypte tomba sous l’autorité des Grecs, cette croyance fut modifiée. On crut alors que les Démons, en tant que messagers des divinités, pouvaient habiter avec les hommes. Mieux, qu’ils pouvaient les pénétrer et les posséder. C’est ainsi que le philosophe Chrétien Origène, nous révèle ce qu’en pensait le Gentil Celse :

« Pour apprendre que jusqu’aux moindres choses tout est ici soumis à quelque puissance qui a ordre d’en prendre soin, il ne faut que consulter les Egyptiens. Ils partagent le corps humain en trente-six parties, à chacune desquelles ils assignent un démon ou un dieu de Voir, qui est chargé de veiller dessus. Il y en a qui comptent bien plus que trente-six de ces démons. Ils en disent même les noms en langue du pays, comme Chnumen, Chnachumen, Cnat, Sicat, Biu, Eru, Erébiu, Ramanor, Rianoor, et d’autres de même ordre. Ils les invoquent et par ce moyen, ils guérissent les maux auxquels les parties que chacun a sous sa garde sont sujettes. Qui empêche donc qu’en rendant de l’honneur et à ceux-là et aux autres, si on le veut, on ne conserve sa santé et on évite des maladies ; On ne se procure du bonheur et on éloigne ce qui le pourrait troubler ; On ne se garantisse, autant qu’il se peut, des insultes et des persécutions qu’on aurait à craindre ? C’est ainsi que Celse s’efforce d’assujettir notre âme aux démons, sous prétexte que le soin de nos corps leur est commis et que chacun d’eux, dit-il, en a quelque partie sous sa conduite. » 

A l’origine, ce sont les Grecs, puis les Romains, qui définirent des Cercles différents d’existences, des espaces réservés par nature, aux êtres qui y habitent et qui ne peuvent sans action divine, dépasser volontairement les frontières définies à leur propre domaine de vie. Cette notion, cependant, ne se défendait que dans le cadre de la simple vie humaine, et ne répondait pas à l’exploit extraordinaire du héros, ni au destin du demi-Dieu, qui pouvait rencontrer les divinités dont il était issu lui-même. Les Grecs et les Romains, donnèrent toutefois les premiers à la dénomination de Démon, une notion fondamentale : Celle du bon ou mauvais Ange, du bon ou mauvais Esprit, du bon ou mauvais messager. C’est ainsi que plusieurs Philosophes, dont Plutarque, nous en ont parlé. Et le plus fameux de ces Démons, est sans conteste celui que possédait Socrate :

« Le démon de Socrate, mon cher, dirons-nous que c’est un mensonge ? Pour moi, rien de ce qu’on raconte de Pythagore en fait de divination ne m’a paru aussi grand, aussi divin ; c’est, à la lettre, l’histoire d’Athéna qu’Homère représente assistant Ulysse en tous ses travaux, c’est ainsi que la divinité semble avoir attaché à Socrate dès sa naissance, pour guider sa vie, une sorte de vue prophétique, qui, marchant seule devant lui, l’éclairait dans les cas douteux et où n’avait pas accès le raisonnement humain ; en pareilles occurrences, la divinité souvent lui parlait, inspirant sa conduite. La plupart des faits et les plus importants, il faut les demander à Simmias et aux autres familiers de Socrate ; mais en voici un dont j’ai été témoin : nous allions chez le devin Euthyphron, et il se trouva, tu t’en souviens Simmias, que Socrate montait vers le Carrefour et la maison d’Andocide, tout en s’amusant à larder Euthyphron de questions. Tout d’un coup, il s’arrête, se tait, se recueille un long moment ; après quoi, il rebrousse chemin, enfile la rue des fabricants de coffres et rappelle ceux des compagnons qui avaient pris les devants ; le démon, disait-il, s’était manifesté. La plupart firent demi-tour avec lui ; j’étais de ceux-là, car je ne lâchais pas Euthyphron ; mais quelques jouvenceaux poursuivirent droit devant eux, dans l’intention évidente de convaincre d’erreur le démon de Socrate, et ils entraînèrent le flûtiste Charillos qui était venu avec moi à Athènes chez Cébès ; mais comme ils cheminaient à travers les boutiques des sculpteurs d’hermès, le long des tribunaux, ils rencontrèrent un troupeau de porcs serrés, couverts de fange, grouillant et se bousculant, qui, faute de dégagement, foncèrent sur eux. Ils furent culbutés ou crottés. Charillos revint au logis les jambes et les habits pleins de boue ; aussi, rions-nous toujours quand nous évoquons le démon de Socrate, trouvant merveilleux que la divinité, en aucune circonstance, ne néglige ni n’abandonne cet homme. »

La croyance en de bons et de mauvais Démons, en de bons ou mauvais Anges, donna naissance aux Esprits. Et cette idée était bien ancrée chez les païens. Elle sous-entendait donner une position à ces Démons, qui se présentaient comme des Etres inférieurs aux Dieux, mais bien supérieurs aux hommes. Et pour comprendre ces Démons, il fallait savoir d’où ils venaient. C’est ce que tentèrent de définir les Hébreux, en s’appuyant sur les textes sacrés Egyptiens, mais surtout Perses. Le temps de la déportation à Babylone, allait permettre à ces Hébreux devenu Juifs, d’emprunter à la Mythologie et à la Cosmologie Perse, la genèse qui leur manquait. Ils l’offriront aux Démons décrits dans leurs nouveaux Livres Saints.

C’est ainsi que plus tard, les premiers Chrétiens emprunteront aux Juifs, la Démonologie dont ils avaient besoin pour satisfaire en la croyance du Dieu unique et au sacrifice de son fils Jésus-Christ. En effet, au travers de plusieurs Ecrits, dont celui du Livre d’Enoch, les Juifs et plus tard les premiers Chrétiens, se donnèrent comme une certitude que les Démons existaient. Ils devaient avoir une forme physique, un corps, qu’ils pouvaient utiliser pour non seulement côtoyer les hommes, mais également les tromper plus facilement. Les Anges de Dieu qui n’étaient pas encore appelés Démons, n’avaient-ils pas copulé avec les filles des hommes ? De cette union contre nature, n’étaient-ils pas nés des Géants ? Ce n’est que tardivement que cette opinion fut condamnée, le Livre d’Enoch devenant apocryphe. Les Anges furent dégagés de l’obligation de la matière, de l’existence physique. Ils perdirent leur capacité matérielle, pour devenir des êtres de substance à la forme astrale ou éthérée.

Avant d’être Démons, les Anges avaient tous été créés par la grâce et la volonté de Dieu. Mais certains, malgré leur puissance et leur magnificence, furent déchus de leur rang divin et jetés dans l’abîme. Tous les Anges, reçurent la même grâce au moment de leur création. Mais alors que les uns restèrent fidèles à Dieu, les autres, ceux qui devinrent des Démons, perdirent la grâce divine, en raison de leur faute et de leur orgueil : ils eurent la prétention de s’égaler à Dieu. Ce fut la raison de leur chute. Les Démons furent chassés du ciel et jetés en enfer pour y subir le plus grand des châtiments au même moment où ils en devinrent les maîtres. Cette condamnation, força les Démons à s’endurcir dans l’erreur et dans le mal. Cependant, cette chute ne leur fit aucunement oublier ou perdre leurs facultés surnaturelles ni leurs perfections naturelles. Rien ne leur était impossible, si l’autorité de Dieu ne leur interdisait pas. Par exemple, il était connu que ces Démons pouvaient transporter une chose ou une personne d’un lieu à un autre, à une vitesse extraordinaire. Ils pouvaient provoquer la mort, faire paraître des infirmités, propager des maladies, inventer des guerres, souffler des pestes, faciliter la famine, condamner à la stérilité, forcer les tremblements de terre, diriger la force des vents, provoquer les orages et les tempêtes, procéder aux obsessions, posséder les hommes et les infester de tous les maux, convoquer les sorcières au sabbat. On pensait que la plupart des malheurs qui arrivaient aux hommes, les Démons pouvaient les provoquer. Et cette croyance fit que l’homme se mit à voir l’œuvre du malin dans tout ce qu’il ne comprenait pas.

En dehors de l’interdit de Dieu, les Démons pouvaient ainsi porter atteinte au corps et à l’âme. Les hommes se mirent alors à inventer et à expérimenter les recettes qui leur permettraient d’entrer en contact avec ses Démons. Ils créèrent des Rituels, dans lesquels ils mélangèrent sacrifices, Pentacles et Prières. Ils cherchèrent également à comprendre le fonctionnement et l’organisation du Monde Infernal.

Certaines personnes toutefois, ne reconnaissaient ni l’existence des sortilèges ni l’existence des sorciers. Ils mettaient au rang des fables et des légendes, tout ce qui était conté au sujet de la Magie. Ils ne croyaient pas plus au Diable, qu’en l’absolution. Par le fait, certains supposaient qu’il n’existait aucun Démon. Dans la Bible, les Sadducéens étaient du nombre, et n’avaient pas peur d’annoncer publiquement que les Anges, bons ou mauvais, n’existaient pas. Aujourd’hui encore, des gens soutiennent que ce qui est dit du Diable et des esprits malins est une vaste supercherie, dans laquelle aucun fondement n’est raisonnable.

Une autre partie des hommes était au contraire trop crédule. Elle traitait souvent de sortilège des choses naturelles, dont l’homme ne connaissait pas ou ne comprenait pas la cause. Ces hommes faisaient facilement passer pour sorciers, des gens qui ne l’étaient en aucune manière.

Une de ces deux extrémités, était-elle dans le vrai ?

Si nous sommes croyants, nous pouvons concevoir que la Magie n’est pas une invention. Les Saintes Ecritures la soulignent en plusieurs endroits, et en dehors des textes, il existe de nombreux exemples de phénomènes inexplicables que l’on appelle aujourd’hui paranormaux. L’histoire humaine est longue sur le sujet. C’est le cas entre autres, de ce qui arriva au couvent de Quercy en Belgique. En 1490, une possession y défraya la chronique. Elle dura plus de quatre ans :

« Les religieuses étaient emportées dans les airs comme les plumes sont emportées par le vent ; elles grimpaient aux murs avec une étonnante facilité ; elles voyaient ce qui se passait à de grandes distances, pénétraient tous les secrets. Elles furent exorcisées par l’évêque de Cambrai, assisté de Gilles Nettelet, doyen de la cathédrale. »

Plus près de nous, deux cas de possession font toujours office de cas d’école : au XXe Siècle, le cas Roland Doe aux Etats-Unis dans les années quarante, et celui d’Annaliese Michel en Allemagne dans les années soixante-dix. Nombreux sont les faits de sorcellerie ou de possession relatés dans le monde et confirmés par l’Eglise. Mais plus nombreux encore, sont également les faux procès en sorcellerie qui débouchèrent sur la mort de personnes innocentes sur le bûcher.